Services financiers : Le secteur s'ajuste au Brexit et à la norme fiduciaire

Le Brexit augmente l'incertitude qui règne dans les services financiers mondiaux, et la règle fiduciaire normalisée du ministère américain du Travail va refaçonner de nombreux modèles commerciaux dans ce secteur.

Michael Wong, CPA 6 juillet, 2016 | 5:00
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Le vote sur le Brexit aura de vastes implications pour l'univers des services financiers européens que nous couvrons. Nous prévoyons de baisser notre estimation de juste valeur pour plusieurs banques britanniques, dont  Barclays (BCS),  Royal Bank of Scotland (RBS) et  Lloyds (LYG), et nous allons en examiner d'autres, comme  Banco Santander (SAN), qui a une participation au Royaume-Uni. Cela nous amène à penser qu'il y a de fortes chances que nous changions la tendance de notre cote de bastille économique pour Lloyds, Royal Bank of Scotland et Barclays, de stable à négative.

Nous nous attendons à ce que le système britannique et l'Union européenne dans son ensemble subissent dorénavant une incertitude et une volatilité importantes alors que le Royaume-Uni tentera de renégocier des accords commerciaux avec d'autres pays, de démanteler d'autres accords juridiques avec l'Union européenne pendant les années qui s'annoncent, et de gérer les retombées de la démission du Premier Ministre David Cameron. Nous voyons aussi maintenant la forte probabilité que l'Écosse demande son indépendance et ajoute au chaos ambiant, surtout pour des institutions comme les banques d'Édimbourg Lloyds et Royal Bank of Scotland, qui devront peut-être se délocaliser. Bien que l'impact du Brexit soit fort vaste, nous voyons une occasion sous-évaluée avec HSBC (HSBC), principalement en raison de son absence relative de participation au Royaume-Uni et de son recentrage sur l'Asie.

Il y a deux considérations assez immédiates pour les banques. Nous nous attendrions à voir des coûts de financement plus élevés pour les banques britanniques, une croissance de leurs prêts beaucoup plus faible (nous pensons que le Brexit va avoir un impact négatif de 3 % à 6 % sur le PIB britannique, et une dégringolade (peut-être de 40 % à 50 %) de leurs frais de services aux sociétés. Les opérations de gestion d'actifs et de transactions seront affectées par la volatilité des actions, des obligations et de la devise, et nous nous attendons à des pertes sur transactions ainsi qu'à des frais de gestion d'actifs plus faibles.

Les banques étrangères, comme  JPMorgan Chase (JPM), vont probablement encourir des millions de dollars de frais juridiques et de personnel alors que des employés seront transférés de Londres vers d'autres pays pour faciliter l'activité des marchés des capitaux. De nouveau, nous voyons des risques particuliers pour Barclays et Royal Bank of Scotland, ces établissements disposant de grosses opérations de banques d'affaires et recevant un financement de gros. Nous prévoyons moins de synergies inter-entreprises et moins d'économies d'échelles pour les banques londoniennes, avec en définitive un impact négatif sur la rentabilité.

Notre impression sur le Brexit pour les sociétés américaines liées aux marchés des capitaux est que leurs bénéfices peuvent être davantage affectées par les effets d'entraînement macroéconomiques du Brexit que par les perturbations qui s'annoncent dans leurs opérations. Selon notre compréhension de la situation actuelle, une réaction relativement simple au Brexit est l'ouverture par les institutions bancaires d'une filiale dans l'Union européenne pour continuer à jouir de privilèges comparables à celles qu'elles avaient au Royaume Uni. Il faudra peut-être immobiliser des capitaux supplémentaires pour répondre aux exigences réglementaires, mais dans l'ensemble il ne faut pas s'attendre à de grosses sommes.

Les conséquences plus importantes à court et à moyen termes viendront des effets du Brexit sur les facteurs macroéconomiques. L'incertitude au niveau mondial impose aux politiques des banques centrales une position plus accommodante. Les firmes qui dépendent des hausses de taux, comme les maisons de courage pour particuliers, devront peut-être attendre plus longtemps avant que leurs bénéfices ne reçoivent un coup de fouet. Quant aux sociétés aux bénéfices importants en devises européennes, la conversion des devises aura un effet à la baisse sur leur BPA : 25 % des revenus de  Goldman Sachs (GS) et 15 % de ceux de  Morgan Stanley (MS) proviennent de l'Europe, du Moyen-Orient et de l'Afrique.

Les firmes de gestion de patrimoine et d'actifs qui facturent leurs clients sur la base de leurs actifs verront aussi leur bonne fortune affectée par les baisses éventuelles du prix de leurs actifs et par des actifs en devises étrangères. La volatilité fera augmenter le volume de transactions, ce qui aidera les plateformes de transactions comme les bourses financières, alors que son effet sur les maisons de courtage sera plutôt mitigé, car des volumes de transactions plus élevés seront potentiellement contrebalancés par les évaluations de leurs inventaires. Une volatilité continue des marchés des capitaux va aussi atténuer les prises fermes et les revenus provenant des services-conseils.

Pour ce qui est de la Deutsche Boerse et de la  London Stock Exchange (LSE), à moins que leur fusion ne soit restructurée, nous pensons qu'elle a moins de chances d'aboutir (25 % de chances au lieu des 50 % que nous avions précédemment projetées). Bien que les équipes de gestion des deux sociétés aient indiqué qu'elles iraient de l'avant et avaient censément considéré la possibilité du Brexit dans des négociations en coulisses, nous pensons qu'il sera plus difficile d'obtenir l'approbation de l'Allemagne et de l'Union européenne. Nous pensons aussi qu'une incertitude accrue tend à rabattre l'enthousiasme des actionnaires, et les événements récents ont peu de chances d'y échapper.

Les gestionnaires d'actifs que nous couvrons ne sont pas aussi exposés à cette situation que les firmes britanniques ou européennes. Cela dit, la plupart de ceux que nous couvrons y sont exposés en vertu des placements qu'ils effectuent dans les actions et les obligations de firmes européennes, alors qu'une poignée d'entre eux subissent l'influence des clients établis dans la région, comme  BlackRock (BLK),  Franklin Resources (BEN),  Invesco (IVZ),  Legg Mason (LM),  AllianceBernstein (AB) et  Affiliated Managers Group (AMG). Les firmes les moins exposées sont  T. Rowe Price (TROW),  Federated Investors (FII),  Eaton Vance (EV),  Janus Capital Group (JNS),  Waddell & Reed (WDR) et  Cohen & Steers (CNS). Le problème qui se pose à plus long terme pour ceux qui sont installés dans la région sera la cherté associée à un fonctionnement dans un marché qui a moins de cohésion.

Nous nous attendons à ce que toutes ces firmes soient prises dans la lame de fond qui accompagnera la baisse des marchés mondiaux dans un avenir proche. Bien qu'il soit probable que le marché et les devises vont être en proie à pas mal de turbulences, notamment parce que la plupart des intervenants du marché ont été pris au dépourvu par le résultat du vote (ils croyaient en effet que les Britanniques resteraient dans l'Union européenne), nous ne prévoyons pas de procéder à des changements radicaux dans les estimations de juste valeur des sociétés que nous couvrons.

À plus long terme, nous prévoyons aussi des effets surtout négatifs sur les services financiers britanniques. Nous nous attendons à une baisse du PIB normalisé du Royaume-Uni, car ce pays a été un des plus importants bénéficiaires de la croissance du PIB dans l'Union européenne depuis que celle-ci a été constituée. Nous croyons aussi que les restructurations qui vont s'opérer dans de nombreuses banques britanniques vont diminuer l'importance de Londres comme centre de la finance, et que les banques auront donc plus de difficultés à rivaliser pour recruter des talents et pour forger les relations qui se traduisent par des revenus sous forme de frais et qui permettent de garder les dépôts.

On s'inquiète aussi beaucoup de plusieurs pays de l'Union européenne, comme l'Italie, la France et l'Espagne, où les citoyens ont manifesté un grand intérêt pour la tenue de leur propre référendum leur permettant de quitter l'Union européenne. Là encore, cela se solderait probablement pour les banques que nous couvrons au sein de ces systèmes, comme  UniCredit (UCG),  Intesa Sanpaolo (ISP) et  Société Générale (GLE), par une hausse des coûts et un ralentissement de la croissance qui, alliés à de faibles niveaux de capitalisation, serait assez préoccupants.

Toutefois, si davantage de pays se séparent de l'Union européenne, nous croyons que les maisons de courtage, les places boursières et les fournisseurs d'informations financières sont susceptibles d'en bénéficier. Davantage de pays avec chacun leurs propres devises et autorités monétaires suivant des politiques de taux disparates conduiraient à des volumes de transactions de devises plus élevés. Les fournisseurs d'informations concentrant et diffusant ces points de données seront également plus recherchés.

Les effets stratégiques et financiers de la règle fiduciaire du ministère américain du Travail sont conséquents

Pendant ce trimestre, le ministère américain du Travail a finalisé et publié sa règle sur les conflits d'intérêts -- ou norme fiduciaire -- à l'intention des conseillers financiers, et nous croyons que cela dérangera de nombreux modèles commerciaux en place dans l'industrie. Nous avons déjà vu plusieurs banques étrangères (Barclays,  Crédit Suisse (CS),  Deutsche Bank (DB)) sortir du paysage américain de la gestion de patrimoine, la vente de sociétés de conseils pour particuliers sur l'assurance vie ( AIG (AIG),  MetLife (MET)) et la restructuration de plateformes de gestion de patrimoine (LPL Financial, RCS Capital, Waddell & Reed) en prévision de l'application de cette règle.

La règle finalisée du ministère du Travail, nous en convenons, est à bien des égards plus coulante que la proposition initiale, surtout pour ce qui est de la viabilité opérationnelle de l'exemption du contrat d'intérêt supérieur. Cela dit, quelques domaines de cette règle ont été rendus encore plus limitatifs, et la règle est toujours rigoureuse dans la mesure où le contrat d'intérêt supérieur est utilisé comme mécanisme d'exécution se fondant sur les situations de contentieux. En fait, nous prévoyons que se conformer à certaines des dispositions de la règle pourrait non seulement créer des changements dans la manière dont les conseillers financiers s'occupent des comptes de retraite, mais aussi dans la manière dont ils s'occupent des comptes imposables.

Dans le domaine des actifs de retraite dont s'occupent les conseillers, nous avions initialement estimé que le règle touchait principalement 3 billions $US d'actifs de régimes d'épargne-retraite individuels (« IRA ») pour lesquels les conseillers sont rémunérés à la commission. En plus de cela, nous estimons que des services-conseils sont aussi offerts pour environ 4 billions $US d'actifs de participants à des régimes privés à cotisations déterminées, et qu'il y a plus de 800 milliards $US d'actifs de régimes divers qui sollicitent des conseils et pourraient donc être assujettis à la règle. Les fournisseurs de services aux participants de régimes privés à cotisations déterminées doivent s'assurer que la manière dont ils avaient précédemment prodigué leurs conseils ou géré des actifs au nom des participants de ces régimes de retraite étaient et demeurent conformes aux nouvelles règles du ministère du Travail. Plus de 200 milliards $US de reconduction de régimes IRA annuels d'épargne-retraite reçoivent aussi des conseils professionnels qui tombent sous le coup de cette règle. Les conseillers devront documenter les raisons pour lesquelles une reconduction est dans le meilleur intérêt d'un individu donné.

Pour ce qui est de l'offre de produits et de services, nous continuons à voir une accélération de trois tendances fondamentales de la gestion de patrimoine : un passage des comptes rémunérés à la commission à des comptes rémunérés à base d'honoraires, une utilisation accrue des conseils fournis par voie numérique, et un passage de comptes activement gérés à des produits de placement plus passifs. La proportion d'actifs rémunérés à base d'honoraires a augmenté de 1 à 3 points de pourcentage à plusieurs grosses formes de gestion de patrimoine en 2015. Les actifs qui reçoivent des conseils par voie numérique continuent leur croissance et ont plus que doublé chez les protagonistes principaux en 2015. Depuis le début de 2016, nous avons déjà vu conclure des partenariats majeurs (comme FutureAdvisor de BlackRock) entre les fournisseurs de conseils par voie numérique et les sociétés traditionnelles de gestion de patrimoine. Nous continuons à considérer que, en conséquence de la règle fiduciaire, l'occasion potentielle d'ensemble pour les produits de placements passifs représente 1 billion $ US avec des perspectives raisonnables d'une augmentation de 140 milliards $ dans l'utilisation par les conseillers des maisons de courtage et de négociation de seulement la portion FNB du marché de l'investissement passif.

Nous croyons que les bénéficiaires de la règle fiduciaire seront les maisons de courtage à escompte, les sociétés de technologie financière comme les conseillers-robots et les fournisseurs de produits passivement gérés (principalement les fonds indiciels et les produits négociés en bourse comme les FNB). L'effet sera mitigé pour les adeptes de la gestion active et les firmes de gestion de patrimoine proposant un service complet, alors que certains gestionnaires d'actifs parallèles et compagnies d'assurance vie vont avoir des difficultés. Dans l'ensemble, la règle va provoquer des changements dans les opérations des compagnies de gestion de patrimoine, des changements dans les parts de marché détenues par les divers produit financiers, la création de nouveaux produits de services financiers et le besoin pour les conseillers financiers de faire la preuve qu'ils adhèrent à l'intérêt supérieur de leurs clients et qu'ils fournissent de la valeur.

Choix préférés

 Synchrony Financial (SYF)
Cote Étoile : 5 étoiles
Bastille économique : faible
Estimation de juste valeur : 40 $US
Incertitude de juste valeur : élevée
À acheter : 24 $US

Nous pensons que Synchrony est extrêmement sous-évaluée et devrait se surclasser alors que les dépenses de consommation pour des marques privées continuent à prospérer. La récente liquidation aveugle des actions bancaires à la suite de la réticence accrue de la Réserve fédérale à augmenter les taux d'intérêt en 2016 offre une occasion convaincante d'acheter cette unique franchise de carte de marque privée à un rabais important. La méconnaissance de Synchrony par les investisseurs se fonde sur la nature attrayante du modèle à circuit fermé de la firme, notamment ses accords de partage de services de détail, son panorama de financement et ses perspectives de croissance. Le partage des services de détail avec Synchrony offre davantage d'informations détaillées sur le comportement du consommateur et des commissions d'interchange inférieures. Pour les détenteurs de cartes, Synchrony offre des réductions et récompenses uniques sur les achats futurs. Compte tenu de l'attrait de cette proposition, la croissance des comptes débiteurs de Synchrony a été le double de celle des cartes d'intérêt général ces dernières années, et nous pensons que ces tendances de croissance et de gains de parts de marché devraient se poursuivre. Des pertes sur créances de 4 % à 5 % sont facilement compensées par des marges d'intérêt nettes beaucoup plus élevées, et nous croyons que le marché surestime le risque de crédit futur.

 Citigroup (C)
Cote Étoile : 5 étoiles
Bastille économique : faible
Estimation de juste valeur : 68 $US
Incertitude de juste valeur : élevée
À acheter : 40,80 $US

Ces cinq dernières années, la direction a réduit ses frais salariaux de 11 %, ses charges de locaux de 14 %, et a augmenté son capital-actions ordinaires de 42 millions $US. Pourtant, l'action de Citigroup se négocie actuellement aux niveaux de 2011. Nous pensons que Citigroup va bénéficier de l'amélioration du marché américain du logement pendant les trois prochaines années; les dépenses liées aux prêts hypothécaires datant de l'époque de la crise représentent encore environ 10 % du total. Les risques liés aux marchés émergents et aux participations énergétiques, quant à eux, sont gérables, représentant respectivement 150 % et 33 % du capital-actions ordinaires de catégorie 1. Ces trois prochaines années, nous nous attendons à ce que le prix de l'action de la société reflète des bénéfices par action et versements de dividendes beaucoup plus élevés.

 Commerzbank (CBK)
Cote Étoile : 5 étoiles
Bastille économique : aucune
Estimation de juste valeur : 10 EUR
Incertitude de juste valeur : élevée
À acheter : 6 EUR

Commerzbank a signalé un premier trimestre difficile dans un environnement boursier volatil et indiqué que ses objectifs de 2016 seraient difficiles à atteindre. La banque a été confrontée à plusieurs problèmes au cours du trimestre, le premier étant la volatilité boursière, qui a contribué à une baisse sensible de ses profits sur les marchés des capitaux (de 250 millions d'euros l'année dernière à 70 millions d'euros cette année). Ensuite, avec sa division Mittlestandsbank, la faiblesse de la demande de prêts, les taux d'intérêt négatifs qui ont pressurisé les marges de dépôts et la concurrence intense pour conquérir des parts de marché ont fait baisser les profits de 364 millions à 209 millions d'euros. La banque tente de convaincre les clients d'aller déposer leurs excédents ailleurs et fait déjà payer certaines grosses sociétés clientes pour avoir accès à leurs dépôts. Toutefois, la banque a accompli des progrès substantiels pour se débarrasser de ses actifs non essentiels, et nous pensons que les investisseurs se sont défaits à l'aveuglette de nombreuses banques européennes, fournissant ainsi des occasions sous-évaluées.

Perspectives de fin de trimestre

Perspectives du marché boursier américain : une année de contradictions

Matériaux de base : Les reprises récentes des marchandises laissent peu d'occasions

Consommation cyclique : Le marché sous-estime les vêtements et le commerce électronique

Consommation défensive : Les occasions sont rares

Énergie : L'offre demeure excédentaire, mais il existe des occasions

Services publics : L'offre demeure excédentaire, mais il existe des occasions

Immobilier : LLa sécurité devient plus chère

Technologie et télécommunications : Nous voyons des occasions dans Apple et Microsoft

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Valeurs citées dans l'article

NomValeurVariation (%)Cote Morningstar
Commerzbank AG ADR17,68 USD0,03

À propos de l'auteur

Michael Wong, CPA  Michael Wong is a stock analyst at Morningstar.