Les nuages gris commencent-ils à se dissiper?

Le rapport sur l'emploi et les demandes d'emploi initiales ont été bien meilleurs que prévu cette semaine, alors que les effets du mauvais temps commençaient à s'estomper.

Robert Johnson 9 mars, 2014 | 6:12
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Le marchés ont connu de grosses fluctuations cette semaine alors que la situation en Ukraine torpillait les marchés boursiers américains. Toutefois, ils ont rebondi une fois que la situation s'est calmée, et le S&P 500 a fini la semaine avec une hausse d'environ 1 %.

Le marché obligataire est une autre histoire. Un rapport sur l'emploi meilleur que prévu pour février a détruit toutes les attentes de suspension de l'aide apportée par la Réserve fédérale américaine. Le rendement des obligations du Trésor américain sur 10 ans est passé de 2,66 % à 2,79 %, et quelques fonds obligataires affichaient des pertes sévères vendredi.

Dans les nouvelles économiques aux États-Unis, le rapport sur l'emploi et les demandes d'emploi initiales ont été bien meilleurs que prévu alors que les effets du mauvais temps commençaient à s'estomper. Les ventes d'automobiles sont demeurées stagnantes mais ne se sont pas effondrées. De plus, le rapport des directeurs d'achats sur les industries manufacturières a rebondi en février après un effondrement en janvier. La consommation et le revenu personnel ont tous deux meilleure mine que prévu, mais largement à cause des effets estimés de la Loi sur les soins abordables et des augmentations massives des factures des services publics. Sans ces facteurs spécifiques, la consommation aurait été en baisse et les augmentations de revenus moins marquées.

Un rapport sur l'emploi meilleur que prévu

Le rapport sur l'emploi du gouvernement en février a été meilleur que prévu, l'économie ajoutant plus de 175 000 emplois, alors que ce chiffre a été de 86 000 en décembre et de 129 000 en janvier. Il s'est situé au-dessus des attentes de 140 000 pour février, mais bien au-dessous de la moyenne de 189 000 des 12 mois précédents.

Les économistes, dont moi-même, s'attendaient à ce que les phénomènes climatiques aient une plus grosse influence sur les chiffres à court terme. Je soupçonne que les consommateurs et les problèmes que connaît l'industrie se sont peut-être adaptés aux conditions climatiques froides et neigeuses. Je pensais que le mauvais temps aurait très fortement frappé les détaillants et les restaurants. En fait, les restaurants ont ajouté 21 000 emplois au lieu d'en supprimer entre 20 000 et 30 000, comme je m'y attendais. Apparemment, l'isolement hivernal aurait incité davantage de consommateurs à s'aventurer dans le froid pour se procurer un repas.

Les longues marches dans les parcs de stationnement des centres commerciaux ont été moins populaires, ce qui s'est traduit par des ventes au détail stagnantes et une perte de 4 000 emplois dans cette industrie. Toutefois, même ces chiffres ont été meilleurs que je ne l'espérais, peut-être parce que les concessionnaires automobiles ont continué à recruter des employés.

Je soupçonne que la froideur du climat n'a pas eu le même effet partout. Les emplois temporaires ont augmenté de 24 000, peut-être parce qu'on a fait appel aux travailleurs temporaires pour remplacer les travailleurs coincés dans la neige. Les voyages, les hôtels et les restaurants dans les zones climatiques chaudes ont probablement profité du froid. Même les chiffres de la construction, qui ont connu une solide augmentation de 50 000 emplois en janvier et de 16 000 en février, pourraient résulter des réparations et du surcroît de personnel causés par le mauvais temps.

Les tendances d'une année sur l'autre ont montré que le climat semblait avoir eu un impact minimal, avec seulement une baisse modeste du taux de croissance total de l'emploi d'une année sur l'autre. Les salaires non agricoles ont augmenté d'environ 1,7 % d'une année sur l'autre, légèrement en repli par rapport au taux de croissance de 1,9 % du PIB publié pour 2013. Cela se produit presque toujours à cause de l'augmentation de la productivité. Les pertes d'emplois gouvernementaux ont tiré les statistiques vers l'arrière alors que l'emploi dans le secteur privé, représentant environ 84 % de tous les emplois, a augmenté d'un total plus solide de 2 %.

Les données sur les heures de travail et les salaires horaires moyens ont été mitigées. Dans le tableau général, les heures et les salaires sont tout aussi importants que les chiffres de l'emploi, qui captent davantage l'attention. La croissance du revenu des consommateurs, qui contribue à déterminer les niveaux de dépenses au détail, est fonction du nombre de personnes qui avaient des emplois, de la durée de leur emploi et de leur taux de rémunération. Les heures de travail ont continué à être sous pression, chutant encore plus bas que les chiffres révisés à la baisse de décembre et de janvier. Le climat a fait tomber le nombre d'heures de travail globales à 34,2, niveau le plus bas depuis le début de 2010 lorsque le marché venait tout juste de sortir de la récession. Avant l'hiver, le nombre d'heures de travail se situait dans la fourchette des 34,4 à 34,5.

Cette faiblesse était assez générale. Les industries des loisirs et de la construction ont vu des plongeons mémorables, alors que l'industrie manufacturière a stagné et l'industrie minière a connu un gros accroissement. La plupart des autres groupes ont connu de minuscules baisses. Le salaire horaire a augmenté de 0,4 %, son niveau le plus élevé depuis juin, et après un gain de 0,2 % en janvier. Malheureusement, le changement du salaire moyen d'une année sur l'autre n'a pas beaucoup évolué par rapport à sa moyenne de 2 % le mois précédent.

Si l'on considère la croissance de l'emploi apathique, les mauvais chiffres sur les heures de travail et l'augmentation des salaires minime, la croissance totale des salaires s'est détériorée, passant d'un sommet de 4,5 % en novembre à 3,6 %. Sans la chute des heures de travail due au mauvais temps, la croissance des salaires aurait été d'environ 4 %, ce qui est mieux, mais ne va toujours pas dans le bon sens, surtout que l'inflation a toutes les chances d'être de nouveau en hausse dans un avenir proche.

Le secteur privé sur le point de récupérer tous les emplois perdus au cours de la récession

Selon les tendances actuelles, l'économie américaine est sur le point de récupérer tous les emplois perdus au cours de la dernière récession. En fait, les États-Unis pourraient bien dépasser ce seuil dès le mois prochain car la tendance est à la création de 184 000 emplois par mois, et nous en sommes seulement à 116 000 de ce seuil. Toutefois, le gouvernement ayant perdu des emplois pendant la plus grande partie de la relance (le recrutement du gouvernement est toujours à la traîne de l'économie réelle), nous en sommes à environ trois ou quatre mois du dépassement de ce seuil pour l'économie entière. Le très gros secteur des services l'a fait il y a deux ans. L'industrie de la construction n'a encore rattrapé que peu de ses pertes d'emplois, alors que la fabrication a récupéré 35 % des emplois perdus. Malheureusement, l'emploi moyen dans l'industrie manufacturière perçoit un salaire hebdomadaire de 1 006 $ et dans la construction de 1 010 $ alors que le secteur des services n'est rémunéré qu'à raison de 792 $ par mois.

Encore le marasme pour les ventes automobiles

À 15,4 millions d'unités, le taux annuel désaisonnalisé des ventes automobiles pour février est demeuré bien au-dessous des 16 millions pour le troisième mois d'affilée après avoir atteint 16,4 millions d'unités en novembre. Le mauvais temps prolongé peut forcer à la retraite certaines autos vieillissantes et augmenter théoriquement la demande de voitures, même sur le court terme. Les ventes ont été relativement plates par rapport à février de l'année dernière. L'équipe de Morningstar qui suit l'industrie automobile croit encore que les ventes pour 2014 seront dans une fourchette de 15,9 millions à 16,2 millions, en augmentation modeste par rapport aux 15,5 millions d'unités vendues en 2013. Ce n'est vraiment pas suffisant pour faire décoller l'économie.

À l'heure actuelle, les fabricants automobiles font contre mauvaise fortune bon cœur. Bien que le mauvais temps ait commodément réduit la production à court terme, les fabricants automobiles accélèrent les échéanciers de production et l'emploi, même en étant confrontés au ralentissement de la demande, car ils semblent penser que ce ralentissement est provisoire.

Il y a tout de même quelques failles à cet optimisme.   Fiat  FIATY a récemment annoncé des licenciements temporaires à son usine de Belvidere, et   Ford  F a laissé présager d'une baisse de sa production au premier trimestre il y a plusieurs mois. La plupart des autres fabricants n'ont apporté aucun changement à leurs plans ambitieux et offrent des incitations pour résoudre le problème d'inventaire à court terme. En tant qu'économiste, je pense que les réductions de prix et augmentations de la production sont à la fois de bonnes nouvelles pour le consommateur et pour la croissance du PIB, mais pas autant pour les fabricants automobiles.

Entre autres bonnes nouvelles, le mauvais temps a ralenti la production et commencé à réduire des inventaires dont le volume devenait préoccupant.   GM  GM dit que les inventaires, qui étaient suffisants pour approvisionner le marché pendant 114 jours en janvier, ont baissé à 87 jours en février, ce qui est encore élevé. Les inventaires de Ford ont baissé de 111 jours à 91 jours d'approvisionnement.

La production automobile s'approche de son sommet passé; les ventes et l'emploi ne suivent pas encore

La production automobile aux États-Unis s'approche du sommet qu'elle a atteint en 2005, l'industrie ayant pratiquement reconstitué ses inventaires depuis 2009. Les ventes de véhicules construits aux États-Unis sont légèrement à la traîne à 89 % des niveaux de 2005. L'emploi est en forte baisse à 80 % de son pic, la fermeture des usines et les nouveaux accords syndicaux ainsi que les efficiences ayant mis l'emploi en veilleuse. Voilà en partie pourquoi le secteur manufacturier n'a récupéré qu'environ le tiers des emplois perdus au cours de la récession, comme nous l'avons indiqué plus haut.

Les statistiques sur le commerce fidèles aux espérances

Les statistiques sur le commerce pour janvier n'avaient rien de bien excitant, le déficit étant demeuré assez stable par rapport au mois précédent à 39 milliards $, alors que celui de janvier 2012 avait été de 51 milliards $, et en 2013 de 42 milliards $.

Le pétrole a été le moteur de la réduction du déficit. Bien que nous ne disposions que d'un seul mois de chiffres pour le premier trimestre, on dirait bien que la série de déficits commerciaux trimestriels contribuant à la croissance du PIB va se terminer à deux trimestres. Les exportations nettes ont ajouté 0,1 % à la croissance du PIB au troisième trimestre, et comptent pour environ 1 % dans le taux de croissance général de 2,4 %. L'absence de toute amélioration des exportations nettes pour janvier explique en partie pourquoi je prévois un taux de croissance relativement pessimiste de 1,6 % pour le premier trimestre. Pour que les exportations soient de nouveau un apport au premier trimestre, il faudrait que le déficit avoisine les 2,5 milliards $ pendant chacun des deux mois qui s'annoncent. Cela représenterait une évolution importante mais pas impossible. Toutefois, pour que la contribution de la réduction du déficit atteigne 1 %, il faudrait que cette réduction atteigne en moyenne 5 milliards $ en février, puis en mars, ce qui est pratiquement impossible.

À plus long terme, selon les chiffres moyens d'une année sur l'autre, les importations comme les exportations ont donné certains signes de ralentissement malgré toute l'excitation causée par l'amélioration de l'économie mondiale. Les taux de croissance des exportations comme des importations ont ralenti pour atteindre leur plus bas niveau depuis septembre. Les partenaires commerciaux qui comptaient sur des ventes fantastiques aux États-Unis pourraient être déçus car le commerce, c'est certain, n'est pas aussi robuste qu'il l'était en automne, et la situation en Ukraine ainsi que le ralentissement de la croissance chinoise ne font rien pour améliorer la situation.

Le rapport ISM des directeurs d'achats montre un léger rebond malgré le climat

L'indice ISM des directeurs d'achats pour janvier semble s'être quelque peu effondré (de 56,5 à 51,3), ayant subi une des plus grosses chutes mensuelles depuis la reprise, bien qu'il indique encore une croissance lente plutôt qu'un rétrécissement. La situation a bel et bien rebondi en février pour atteindre 53,2 renforçant l'opinion selon laquelle le climat aurait été coupable de l'effondrement de janvier. Les nouvelles commandes ont paru bien meilleures en février, bien que les cotes des niveaux actuels de production soient apparues désastreuses, atteignant leur plus bas niveau en cinq ans. Cela est assez logique puisque le climat a probablement un effet plus important sur les expéditions que les commandes, dont la plupart sont placées électroniquement.

Une fois de plus, je me soucie plus du consommateur et de la consommation que de la fabrication en général et des directeurs d'achats en particulier.

Les données sur la consommation et le revenu sont plutôt floues

La croissance d'un mois sur l'autre du revenu et de la consommation a été plus forte que prévu à cause de la Loi sur les soins abordables. On s'attendait à une croissance de 0,2 % pour les deux catégories. Les ventes au détail, les ventes automobiles et le rapport sur l'emploi, qui sont habituellement d'excellents indicateurs de ces rapports, semblaient tirer une sonnette d'alarme. Toutefois, les revenus se sont accrus à un taux acceptable de 0,3 % (0,2 % après l'inflation), et la consommation à un taux impressionnant de 0,4 % (0,3 % après l'inflation), ce qui a rendu la plupart des économistes perplexes.

Les chiffres des revenus ont été favorisés par les subventions au titre de la Loi sur les soins abordables, ce qui est logique. De plus, le bureau d'analyse économique a présumé que ces subventions avaient été dépensées et alimenteraient des activités au sein de l'industrie de la santé, ce qui est quelque peu suspect parce que l'emploi dans ce secteur n'a pas beaucoup augmenté.

L'autre surprise positive a été l'accroissement des dépenses de gaz et d'électricité, un stupéfiant 11 %, même après ajustement selon l'inflation. Cela a ajouté 0,2 % à la croissance de la consommation. Les dépenses supplémentaires dans le cadre de la Loi sur les soins abordables ont probablement ajouté un montant encore plus important : environ 0,3 %. Si l'on exclut les dépenses présumées au titre de la Loi sur les soins abordables et la grosse augmentation des dépenses de services publics et qu'on ajuste le tout en fonction de l'inflation, les dépenses à la consommation ont probablement diminué de 0,1 %, ce qui n'est vraiment pas un résultat extraordinaire.

Je saute mes diagrammes habituels sur la consommation et le revenu ce mois-ci à cause de questions de comparabilité soulevées par les gros paiements de dividendes et de primes effectués à la fin de 2012 afin de battre les accroissements fiscaux anticipés pour 2013. Je dirais que les chiffres moyens de la consommation d'une année sur l'autre, qui sont moins touchés, ont bel et bien augmenté de 2,18 %, leur meilleure performance depuis 2012. Toutefois, n'oubliez pas que les factures élevées des services publics et la Loi sur les soins abordables y ont aidé.

Davantage de chiffres du Trésor et sur les ventes au détail pour la semaine prochaine

Ce qui est également susceptible d'assurer un meilleur taux de croissance du PIB pour 2014, c'est l'amélioration des dépenses publiques. Les dépenses n'ont pas rebondi en janvier, et les chiffres de l'emploi n'ont pas l'air tellement meilleurs en février. Mardi prochain, le Trésor publiera les chiffres officiels des dépenses et des recettes pour févier, ce qui devrait apporter plus de clarté.

Pas encore de rebondissement dans les ventes au détail

Les ventes au détail, avec ou sans le secteur automobile, devraient augmenter d'environ 0,2 %. C'est mieux que la baisse de 0,4 % du mois dernier, largement due à la chute des ventes automobiles. La tendance des chiffres hebdomadaires semble accréditer ce niveau d'amélioration, et peut-être même un peu plus. La hausse du prix de l'essence dans ce rapport non ajusté à l'inflation contribuera à ce que les statistiques aient légèrement meilleure mine. Le facteur climatique peut s'estomper alors que l'on s'habitue au froid. Pas de grosse augmentation prévue, mais le pire des grosses chutes des ventes au détail semble passé -- du moins jusqu'à ce que tout le monde se mette à payer ces grosses factures de services publics.

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À propos de l'auteur

Robert Johnson

Robert Johnson  Robert Johnson, CFA, est directeur de l'analyse économique à Morningstar.