Notre perspective sur l'économie américaine

Alors que certains se tracassent à propos de ce que fait la Réserve fédérale, l'économie des États-Unis trouve sa propre force.

Robert Johnson 27 juin, 2013 | 5:17
Facebook Twitter LinkedIn

Points saillants
La reprise des économies américaine et mondiale dépasse de beaucoup une Réserve fédérale accommodante.
Le pétrole, l'habitation, la fabrication de pointe, l'amélioration des états financiers et la souplesse du marché du travail tracteront l'économie américaine.
Une Chine affaiblie, une Réserve fédérale plus sévère et un raffermissement de la politique fiscale fédérale restreindront l'activité économique à court terme, mais ne vous y trompez pas : les données fondamentales sont robustes à long terme.

Le célèbre livre et film Le Magicien d'Oz a beaucoup de similitudes avec la relation qu'entretiennent l'économie américaine et la Réserve fédérale. Dans cette histoire, le Magicien est caché derrière un rideau et manipule de nombreux leviers pour produire des sons et images effrayants qui apeurent cruellement les habitants d'Oz. Les gens sont convaincus des pouvoirs du Magicien pour changer leur monde, en bien comme en mal.

Bien que la Réserve fédérale ait bien essayé de faire preuve de transparence au sujet de ses manœuvres, elle reste dissimulée derrière un rideau, et continue d'être perçue comme toute-puissante. Ses manœuvres en coulisses ne sont toujours pas bien comprises par les gens, qui continuent à trembler à chaque fois que son président en actionne un levier.

Pour moi, la partie la plus intéressante est la fin de l'histoire, lorsqu'on découvre que le Magicien n'est qu'un commun mortel. Quand Dorothy et sa bande de voyageurs tentent de faire exaucer leurs voeux, le Magicien fait alors une révélation essentielle et étonnante. Le Lion peureux avait déjà acquis le courage qu'il recherchait tout au long de son voyage au pays d'Oz. L'Homme de fer avait déjà développé un véritable cœur et n'avait plus besoin que d'autres lui prêtent le leur. Enfin, l'Épouvantail avait fait preuve de jugeote pendant cette aventure, prouvant qu'il n'avait pas vraiment besoin d'un nouveau cerveau. Il en avait déjà acquis un de lui-même sans l'aide de quelque étranger effrayant et imprévisible.

De même, l'économie des États-Unis s'est améliorée et a repris des forces pendant sa convalescence actuelle. Elle n'a pas besoin de l'intervention d'un magicien des temps modernes qui s'appelle Ben Bernanke pour se tirer de l'ornière. Sa force et ses données fondamentales ont toujours été là et n'avaient besoin que d'un coup de pouce.

Les forces de l'économie américaine sont sous notre nez

Les perspectives sectorielles de Morningstar pour cette fin de trimestre, qui seront publiées la semaine prochaine, peindront une image de véritables gains économiques et structurels. Les perspectives pour le secteur énergétique portent le sous-titre : « Le formidable bond de la production de pétrole brut américain est époustouflant. » Le ralentissement de la production pétrolière depuis 30 ans a pris fin il y a cinq ans, et les progrès se poursuivent, selon notre équipe énergétique.

Sans vouloir gâcher la surprise, il faut savoir que la production pétrolière est déjà passée de 6,2 milliards de barils par jour pour toute l'année 2012 à un taux de 7,3 milliards de barils par jour pour la première moitié de 2013. D'ici 2016, la production pourrait atteindre 8,9 milliards de barils par jour. Les importations de pétrole sont en chute libre. La production pétrolière américaine dépasse ses importations pour la première fois depuis plusieurs décennies. Et ce n'est que pour le pétrole! On ne parle même pas des nouvelles encore meilleures du secteur du gaz naturel, où la production a littéralement bondi ces cinq dernières années, même s'il est possible que ce secteur atteigne un plateau.

Nos perspectives pour les valeurs industrielles sont aussi pleines de bonnes nouvelles. Les ventes d'automobiles sont revenues à plus de 15 millions d'unités par an, une augmentation par rapport aux piètres 9 millions de véhicules vendus (et encore moins d'autos neuves fabriquées) pendant les jours les plus sombres de 2009. En fait, les États-Unis exportent maintenant des voitures vers certains marchés considérés comme intouchables il a y a quelques années de cela. À court terme, les nouvelles concernant le secteur automobile ne semblent que s'améliorer, avec les ventes qui s'alignent pour atteindre leur objectif de 15,7 millions d'unités pour le mois de juin, aux dires du prévisionniste boursier LMC.

La croissance du marché de l'habitation est due à bien plus que la Réserve fédérale

Les nouvelles dans le domaine de l'habitation restent bonnes elles aussi. Même si les taux d'intérêt ont certes épaulé l'immobilier, ce n'est pas l'unique raison de cette jubilation. La croissance de la population, une demande latente et un taux presque record pour ce qui est d'être abordable, signifient que les beaux jours sont loin d'être terminés. D'ailleurs, la construction résidentielle n'en est qu'à la moitié de son rythme des meilleurs jours, et n'est qu'aux deux tiers de ce que justifierait la croissance de la population. Pour tout le désespoir engendré par les taux d'intérêt, souvenez-vous simplement que notre dernier boum immobilier est survenu quand les taux d'intérêt étaient dans une fourchette entre 6 et 8 %. Les taux hypothécaires sur trente ans ont augmenté, passant d'environ 3,5 % à plus de 4 %, et pourraient finir par dépasser les 5 % avant que tout cela se termine. Néanmoins, comme les taux étaient à 16 % quand j'ai fini mes études supérieures il y a une trentaine d'années, un retour à 5 % n'est pas si effrayant que ça.

Boeing : Un symbole des forces et des faiblesses de l'ingéniosité de la fabrication américaine

Puis il y a Boeing BA. Les perspectives de l'équipe qui analyse les valeurs industrielles décrivent en détail une accélération du taux de croissance, des prévisions pour les ventes et de la valeur juste du géant de l'aérospatiale. En raison de la taille et de la complexité de cette industrie, Boeing est l'une des deux seules grandes compagnies à fabriquer des appareils d'aviation. L'histoire de Boeing révèle en partie ce qui va bien dans l'économie. Cette compagnie a fait d'énormes paris en développant sa dernière génération d'avions. Elle n'avait pas à le faire, et en a bel et bien payé un tribut à court terme avec un retard de production de trois ans suite à un problème de batterie qui cloué le 787 au sol pendant plusieurs mois.

À plus long terme cependant, ses nouveaux matériaux composites et ses technologies de batteries créeront de nouvelles grandes industries et mèneront à des innovations dans bien d'autres secteurs. Le secteur manufacturier américain n'a donc pas perdu son savoir-faire. Je lis à présent que d'autres industries, y compris des firmes qui construisent des moteurs, sont en train d'étudier l'éventualité, tout en y dépensant de l'argent très réel, de développer des produits qui se serviraient de matériaux composites légers.

La courbe des coûts des soins de la santé a été atténuée

Bien que notre équipe des soins de la santé soit quelque peu ambivalente au sujet de ce secteur, elle souligne néanmoins que la courbe des prix des soins de santé a été atténuée… du moins un peu, et provisoirement.

En raison essentiellement de l'échéance de nombreux brevets et de l'arrivée de médicaments génériques comme concurrence, les coûts pour l'ensemble de la catégorie des produits médicaux et pharmaceutiques de l'indice de la consommation sont restés inchangés non seulement pour le mois, mais sur toute une année. De nouvelles sommes déductibles et des quote-parts plus élevées rendent aussi les consommateurs plus tatillons en matière de produits et de services pour la santé. Certains de ces atouts perdront sans doute un peu d'importance dans les années à venir, mais personne n'avait prévu de bonnes nouvelles, même à court terme. L'effet du ralentissement des taux d'inflation dans les soins médicaux est assez important pour avoir été cité comme l'un des grands contributeurs à l'amélioration massive des perspectives déficitaires pour le budget fédéral américain publié en avril dernier.

L'endettement des consommateurs plonge

Outre les données fondamentales de ce secteur, j'aimerais aussi souligner le bilan financier vastement amélioré d'un consommateur moins endetté, la productivité nettement meilleure du secteur manufacturier, un secteur bancaire beaucoup plus sain et une incroyable souplesse de la main-d'oeuvre, comme des signes très tangibles de l'amélioration économique.

Quoiqu'on ne puisse pas vraiment parler d'avarice, l'endettement du consommateur en tant que pourcentage de son revenu a chuté de 140 à 112 % entre 2008 et 2013, après avoir affiché une trajectoire à la hausse pendant des années. C'est une amélioration très concrète, et non imaginaire. L'endettement total du consommateur a chuté de près d'un billion de dollars sur une base de 14 billions $ de dettes.

Parlant d'endettement, même le déficit annuel du gouvernement fédéral a déjà été réduit de plus de moitié, et sera de retour à des niveaux d'avant la récession d'ici un an. Calculé en pourcentage du PIB, il est prévu que le déficit recule à 2 % d'ici l'exercice fiscal 2015, après avoir atteint un sommet de 10 % pendant la récession, et comparativement à un taux estimé à 4 % pour l'exercice fiscal 2013.

Progrès manifeste du secteur manufacturier

Le secteur manufacturier est souvent très calomnié aux États-Unis, mais ses progrès continuent à être très réels. Je cite souvent l'industrie automobile comme exemple des gains extraordinaires dégagés par ce secteur. La production et les ventes automobiles évoluent à présent à plus de 90 % des taux record d'avant la récession en 2005. Néanmoins, le nombre d'ouvriers directement employés par l'industrie automobile n'est qu'à un peu plus de 70 % de ses taux record, datant eux aussi de 2005. Et il n'y a pas que l'industrie automobile. Depuis que la reprise s'est amorcée (il y a trois ans environ pour ce secteur), la production industrielle relevant du secteur manufacturier a augmenté d'à peu près 20 %, alors que l'emploi n'a avancé que de 5 %. Ces gains énormes qui découlent de la productivité signifient que davantage d'emplois manufacturiers peuvent rester ici. Contrairement aux trois dernières récessions, le taux d'emploi dans ce secteur est en hausse, au lieu de poursuivre son long déclin.

Souplesse de la main-d'œuvre : la botte secrète

La souplesse de la main-d'œuvre continue aussi à être une véritable force. Un domaine qui incarne cette souplesse est celui des soins infirmiers. Les données de recensement jusqu'en 2011 indiquent que la proportion d'hommes qui travaillaient comme infirmiers est passée de 2,7 % en 1970 à 9,6 % en 2011. Nombre de ces nouveaux infirmiers sont d'anciens ouvriers de construction ou d'usines. Qui plus est, les données sur le nombre d'inscription aux écoles de soins infirmiers révèlent aussi que les étudiants de sexe masculin constituent à présent 13 % de tous ces étudiants. Ce type de souplesse est inconnu dans bien d'autres économies. Ces emplois, même si leur rémunération n'est pas aussi bonne que dans la construction, sont de bons emplois avec des avantages réels et des salaires bien au-delà du salaire minimum.

Le système bancaire américain : un pilier offrant une force tout au moins relative

Enfin, le secteur bancaire américain est en bien meilleur état qu'en 2008. Les mesures énergiques de la Réserve fédérale et de la Trésorerie américaine pour recapitaliser les banques et les soumettre à des tests de tension en 2009 ont mis le système bancaire américain en bien meilleure posture que les banques de l'Orient comme de l'Occident. L'Europe ne maîtrise pas encore certaines difficultés bancaires datant d'avant la récession. La propriété croisée et l'ingérence étatique ont grandement compliqué les efforts de restructuration des banques européennes, ce qui n'a fait qu'empirer avec les déboires encore plus graves des banques du sud de l'Europe. Le système bancaire chinois n'est pas immaculé lui non plus, alors que de nouveaux problèmes continuent à poindre. Ainsi, au cours d'une conférence de presse, Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale américaine, a pris le temps de faire remarquer que les principales banques américaines pouvaient désormais répondre aux normes strictes de Bâle 3 en matière de normes de capitaux, chose dont peu de banques à l'échelle mondiale pourraient se targuer.

Pour ceux qui disent que l'économie américaine se maintient artificiellement avec des stéroïdes, ou du moins avec beaucoup de sucre, et que c'est là l'unique raison pour la hausse des marchés et l'amélioration de l'économie, je leur dis : foutaises. Ces avancées sont réelles et bien méritées. L'époque actuelle n'est bonne ni pour les ouvriers, ni pour les cadres. Mais confondre l'acharnement au travail, l'innovation, les sacrifices et la frugalité avec un problème d'accoutumance aux drogues ne rend aucun service aux États-Unis, ni au reste du monde d'ailleurs.

Malgré de véritables forces sous-jacentes, des problèmes existent encore à court terme

Cela ne veut pas pour autant dire que tout est parfait dans l'immédiat. Les taux de croissance de l'économie, de la consommation et de l'emploi restent solides mais lents, aux alentours de 2 %, ce qui laissera l'emploi bien en-deçà de ses taux les plus forts, pour une autre année au moins. En plus, le CBO (Congressional Budget Office) dit que l'ensemble de l'économie tourne encore à plus de 5 % au-dessous de son potentiel, restant proche de son taux record de sous-utilisation.

Qui plus est, certains des moteurs de l'économie font une pause, et bien que de nouveaux secteurs compensent peu à peu cet écart, cela pourrait ne pas aller assez vite. L'un de ces secteurs en décélération est l'exportation, qui subit durement le ralentissement de l'économie mondiale. De nombreuses perspectives trimestrielles parlent aussi de véritables faiblesses, autant en Europe qu'en Chine (les industries du papier et des produits chimiques sont deux groupes mentionnés pour des faiblesses particulières). Même si le ralentissement de l'exportation n'étouffera pas la reprise, il freinera le taux de croissance.

Je n'aurais jamais cru dire ces mots, mais une politique fiscale trop serrée de la part du gouvernement est aussi en train de freiner la croissance économique. Il est à espérer que certaines de ces pressions se dissiperont d'ici la fin de l'année avec le pire des restrictions fédérales qui deviendra une chose du passé, et leur amortissement partiel par les gouvernements des États et des localités.

Il n'y a pas que la grosse méchante Réserve fédérale

Certes, l'avertissement de la Réserve fédérale lancé au reste du monde, affirmant que l'argent gratuit ne durera pas éternellement, n'a pas aidé la situation, et le moment choisi pour le dire n'était pas idéal. Les taux d'intérêt continueront probablement à monter, ce qui fera potentiellement du tort aux emprunteurs, en aidant les épargnants et en poussant les autres à acheter de l'immobilier résidentiel ou faire des dépenses d'entreprises, et investir avant qu'il ne soit trop tard. Ainsi, l'impact des taux d'intérêt élevés sur le long terme n'est pas aussi net que bien des mauvaises langues ne le pensent.

Bien que personne ne veuille sous-estimer la Réserve fédérale, il faut remarquer que la taille de son bilan par rapport au marché obligataire mondial n'est pas aussi importante que certains aimeraient le faire croire. Même si le rôle qu'elle joue est important et influent, ses états financiers n'avoisinent que 3,4 billions $, alors que le marché obligataire mondial s'élève à 80 billions $. De même, sur le marché hypothécaire, là où elle a le plus de poids, elle ne représente qu'environ 2 billions $ sur environ 10 billions $ d'hypothèques résidentielles en vigueur aux États-Unis. C'est imposant, mais pas vraiment du calibre d'une caisse populaire dans un tout petit village. Et comparativement au patrimoine net du consommateur à 70 billions $, la Réserve fédérale semble carrément minuscule.

Le chemin sera difficile, mais les choses vont dans le bon sens

Quoi qu'il en soit, les marchés pourraient être cahoteux ces prochains mois, pendant que le monde s'habitue au nouveau régime de la Réserve fédérale américaine et à une croissance chinoise plus lymphatique. Il ne s'agit toutefois pas d'une répétition de 2008 de A à Z. Les données fondamentales sont bien plus fortes qu'elles ne l'étaient il y a cinq ans, et il y a bien moins de bulles visibles. Je m'attends à ce que les forces économiques sous-jacentes brillent dans le brouillard, peut-être d'ici le début de l'automne.

Plus de rapports sur les perspectives de fin de trimestre

  •  Marché boursier
  •  Énergie(en anglais)
  •  Matériaux de base(en anglais)
  •  Services financiers(en anglais)
  •  Biens de consommation cycliques(en anglais)
  •  Biens de consommation défensive(en anglais)
  •  Services de la technologie et des communications(en anglais)

Et restez à l'écoute au cours des prochains jours pour recevoir les avis des analystes de Morningstar sur les grands thèmes et les meilleures occasions dans les secteurs suivants :

  • Soins de la santé
  • Valeurs industrielles
  • Services publics

Facebook Twitter LinkedIn

À propos de l'auteur

Robert Johnson

Robert Johnson  Robert Johnson, CFA, est directeur de l'analyse économique à Morningstar.