À la tête de l’équipe de gestion du Fonds de revenu canadien Sentry (4,5 milliards $ d’actifs sous gestion), axé sur les actions nord-américaines à dividendes, Michael Simpson essaie de surmonter les difficultés que présente la hausse des taux d’intérêt.
Les taux ont grimpé dans beaucoup de pays développés, parallèlement au renforcement de la croissance économique et de la création d’emplois, et cette tendance a déclenché une certaine agitation sur le marché boursier. L’année a été caractérisée par une volatilité accrue et de douloureuses corrections des actions américaines et canadiennes se trouvant dans le portefeuille de M. Simpson, particulièrement celles qui sont sensibles aux taux d’intérêt et versent des dividendes. Le Fonds de revenu canadien Sentry a subi une perte de 4,3 % pendant la période de trois mois terminée le 31 mars.
« Les actions sensibles aux taux d’intérêt ont écopé, mais cela veut dire qu’un accroissement de la valeur en a émergé », dit M. Simpson, vice-président principal et gestionnaire de portefeuille exécutif chez Sentry Investissements à Toronto. « La baisse des prix a fait augmenter le rendement des actions. » M. Simpson gère le fonds depuis son lancement au début de 2002 et c’est lui que l’on doit un rendement annuel moyen de 10,7 % depuis son lancement.
On s’attend à ce que la Réserve fédérale américaine relève son taux d’intérêt directeur deux autres fois en 2018, après une hausse en mars et trois autres l’année dernière. Les taux d’intérêt sont également à la hausse au Canada, en Europe et au Japon.
Toute hausse des taux d’intérêt s’accompagne de pressions à la baisse sur les obligations, ainsi que sur les actions à dividendes qui sont perçues comme une bonne alternative de revenu dans une conjoncture où il est difficile de trouver des rendements convenables parmi les placements à revenu fixe traditionnels.
M. Simpson, qui se dit lui-même être un investisseur axé sur la valeur et le revenu, estime que certaines actions ont été survendues et savoure les conditions d’achat fertiles créées par la baisse des prix. « La croissance américaine pourrait atteindre un sommet, et il y a des chances que les trois hausses anticipées ne se produiront pas cette année », dit-il. « La Fed avancera probablement à pas feutrés, laissant le temps aux hausses des taux d’intérêt de faire leur effet. »
En attendant, la baisse des prix l’a incité à déployer des liquidités dans certains des avoirs qu’il affectionne depuis longtemps, notamment les compagnies de services aux collectivités Enbridge Inc. (ENB), qui a affiché un rendement en dividendes de plus de 6 % à la mi-avril, et AltaGas Ltd. (ALA), société au rendement encore plus rondelet de 9 %.
« On observe des rendements en dividendes solides de la part des bonnes compagnies, dit M. Simpson. Quelles que soient les difficultés opérationnelles constatées dans certains cas, le marché a pris en compte trop de mauvaises nouvelles. Quand votre objectif est un rendement de portefeuille global de 8 %, et que vous obtenez 6 % en dividendes, il ne vous faut que peu de gains en capital.
Il a également tiré parti des prix attrayants pour incorporer de nouveaux avoirs au fonds, notamment Allergan PLC (AGN), une compagnie pharmaceutique d’échelle mondiale établie à Dublin, connue pour son produit Botox; Applied Materials Inc. (AMAT), une compagnie de semi-conducteurs implantée à Toronto qui a une part de marché importante en Chine, et Comcast Corp. (CCV), un conglomérat américain de télécommunications, de câblodiffusion et de divertissement qui détient NBC et Universal Pictures.
M. Simpson préfère les évaluations des sociétés financières américaines à celles des banques canadiennes, et il a augmenté sa participation dans la Banque Scotia (BNS), dont il apprécie le potentiel d’affaires en Amérique latine. Il a aussi profité du recul de Oracle Corp. (ORCL), une compagnie américaine spécialisés dans les logiciels de données, CVS Health Corp. (CVS), un géant dans les secteurs pharmaceutique et de la santé, et de Alimentation Couche-Tard Inc. ( ATD.A. ), chaîne québécoise de dépanneurs et de stations-services.
D’un point de vue géographique, le fonds investit 75 % au Canada et 25 % aux États-Unis, la participation canadienne ayant augmenté au cours de la dernière année car y sont apparues de meilleures aubaines. Pour ce qui est de la répartition d’actifs, même si le fonds peut investir jusqu’à 25 % dans les obligations, il investit à présent 95 % dans les actions ordinaires et moins de 2 % dans les titres à revenu fixe. La composante de revenu fixe se concentre dans les obligations de sociétés à court terme, qui fournissent un rendement plus élevé que celui des obligations gouvernementales et tiennent généralement mieux le coup lorsque les taux d’intérêt sont à la hausse.
Lorsqu’il évalue la santé financière des sociétés, M. Simpson examine de près la solidité des bilans, qu’il considère comme le « cœur » de la compagnie. « Nous gardons un œil attentif sur la dette pour s’assurer qu’elle soit gérable et recherchons aussi les flux de trésorerie solides, dit-il.. L’essentiel, c’est la sécurité des dividendes et leur potentiel haussier. »
Les récents rachats d’actions ont fait baisser la pondération liquide du fonds à 3 % à la mi-avril, alors qu’elle était de 7,5 % au début de 2018. « De nombreuses compagnies, notamment de services aux collectivités, ont été placées dans la catégorie de celles qui sont sensibles aux taux d’intérêt et punies par le marché, dit M. Simpson. Mais la hausse des taux d’intérêt, dont l’ampleur est bien modeste à comparer du taux de croissance qu’ont su historiquement atteindre les dividendes de nombreuses sociétés. Les investisseurs jouissent aussi de l’avantage du crédit d’impôt pour dividendes. »
Si une compagnie peut accroître ses dividendes à un taux de 5 ou 6 % par an, les investisseurs dans les actions seront bien mieux récompensés qu’avec les obligations ou les CPG, dit-il. Par exemple Fortis Inc.( FTS), une société de services publics d’électricité établie à Terre-Neuve, a connu une croissance annuelle de ses dividendes de 6,4 %, dit M. Simpson.
« Nous recherchons des « champions des dividendes » qui ont un long palmarès de hausses de de ces derniers, dit M. Simpson. C’est le genre de compagnies que nous pouvons conserver à long terme. Nous tirons profit des phases de volatilité éventuelle en les élaguant un peu lorsqu’ils sont chers et en achetons plus lorsqu’ils le sont moins.
Le Fonds de revenu canadien Sentry affiche une rotation de portefeuille relativement modeste d’environ 35 % par an, dit M. Simpson. Une rotation faible permet de reporter les gains en capital et réduit les coûts de transactions, ce qui peut améliorer les rendements.