Des leçons de la dernière décennie en matière de dividendes

Au dixième anniversaire du bulletin Morningstar DividendInvestor, son rédacteur Josh Peters se penche sur les performances passées de ses portefeuilles et sur ce qu'il a appris.

14 janvier, 2015 | 6:00
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Jeremy Glaser : Pour Morningstar, ici Jeremy Glaser. J'ai avec moi Josh Peters, éditeur du bulletin Morningstar DividendInvestor et directeur de la stratégie des actions à revenu. Ses portefeuilles ont récemment franchi l'étape des dix ans. Nous allons nous pencher sur les performances passées et voir ce qu'elles ont été, et quels enseignements Josh en a tiré. Josh, merci de venir nous voir.

Josh Peters : Avec plaisir.

JG : Commençons donc par ces chiffres de performance. Maintenant que vous avez 10 ans d'expérience dans la gestion de ces portefeuilles, ces chiffres font-ils bonne figure par rapport à un indice général comme le S&P 500?

JP : Je ne cherche habituellement pas à surpasser le marché sur une courte durée, un trimestre ou une année par exemple. Je me dis que l'on va détenir un groupe très différent d'actions que le marché dans son ensemble si l'on veut cibler ces distributions élevées, et que l'on ne devrait donc pas se comporter comme le marché. Mais après ce seuil de dix ans, il est très gratifiant de voir que sans même essayer, pour ainsi dire, nous avons battu le S&P 500. Depuis le début, notre rendement total annualisé est de 9,4 %, contre 7,7 % pour le S&P 500. C'est en fait même un peu mieux que certains indices aux dividendes plus élevés qui, sur cette même période de 10 ans, ont eu un rendement total légèrement inférieur à celui du S&P 500.

Je pense donc, quand je me penche sur les dix ans écoulés, que le rendement total est le verdict ultime de n'importe quelle stratégie de placement, qu'elle soit axée sur les gains en capital ou sur le revenu. En fin de compte, il faut les deux pour que le résultat soit bon. Il est très gratifiant de voir à quel point la stratégie que nous avons mise en place il y a 10 ans a bien fonctionné, et pendant longtemps.

JG : Si l'on creuse un peu plus ce chiffre de rendement total, quelle est la proportion provenant des gains en capital de ces titres et celle qui est attribuable aux dividendes élevés qu'ils procurent?

JP : Le principal avantage, ce sont les dividendes. Je ne pense pas que les nombreuses personnes qui comprennent ce que sont et comment fonctionnent les dividendes seraient surpris par le fait que, sur des périodes très longues, les études montrent que les actions aux dividendes plus élevés surpassent celles dont les dividendes sont faibles ou inexistants. Ces actions-là se comportent mieux que la moyenne du marché, et c'est à créditer au rendement supplémentaire qu'apportent les dividendes.

Mais si l'on examine le rendement total de nos portefeuilles strictement sur la base des cours -- comme le S&P ou le Dow, ou d'autres indices sont habituellement cotés dans les journaux et à la télévision, c'est-à-dire l'évolution des cours des actions seulement -- nous avons en fait été un peu à la traîne en moyenne, d'un peu plus de 1 % par an. Mais nous avons bénéficié de l'énorme avantage que nous a procuré notre excédent de rendement en dividendes, et ça, c'est un choix que nous avons fait. C'est ce qui constitue notre stratégie.

En moyenne, nos dividendes nous ont procuré près de trois points de pourcentage supplémentaires par rapport au S&P 500 au cours des 10 dernières années. Donc, non seulement cela a compensé le manque à gagner de notre appréciation du capital, mais la totalité de notre surclassement en est tributaire, et c'est un surclassement qui a été payé en argent comptant.

JG : Même si cette stratégie a bien réussi, si l'on y regarde à deux fois il y a probablement des choses qu'on ne referait peut-être pas ou des erreurs qui ont été commises. Quelle a été la plus importante que vous avez constatée au cours de cette décennie et que vous avez essayé d'éviter par la suite?

JP : Quand j'ai débuté, je pratiquais beaucoup cette approche ascendante dont on s'attend traditionnellement de la part d'un investisseur axé sur la valeur. Et il se trouve que, à l'année 2007, j'avais trouvé des mérites à l'approche ascendante pour des tas d'actions de banques et d'autres sociétés de services financiers, dont beaucoup avaient des rendements en dividendes de 3 %, 4 % ou même 5 %, et un historique de hausses annuelles de leurs dividendes depuis 20 ou 30 ans. Ces sociétés faisaient figure de candidates parfaites pour le type de rendement total que je visais.

Toutefois, détenir ces actions-là à l'aube de la crise de l'habitation et des hypothèques, cette période horrible en 2008-2009, a été une très mauvaise expérience. Franchement, j'en étais surchargé, je n'avais pas une pensée suffisamment descendante pour contrôler mes risques. Je pense toujours qu'il est très, très difficile, sinon impossible, de débuter son processus de placement avec une approche descendante, de se demander à quelle allure l'économie et l'inflation vont croître, la direction que vont prendre les taux d'intérêt, puis répercuter ces données sur le choix des actions individuelles.

Je pense que le mieux, c'est de commencer par ces données fondamentales, de chercher ces sociétés à forte ou à faible bastille économique qui ont une bonne politique de dividendes et qui peuvent fournir un bon rendement total. Mais il faut s'en remettre aux facteurs macroéconomiques pour contrôler le risque encouru. Et franchement, le prix des habitations et l'état du marché hypothécaire, ce sont des facteurs de risque qui auraient dû au moins m'aider à limiter ma participation aux banques à cette époque-là.

Nous avons donc beaucoup moins de banques en ce moment -- en fait, une seule : Wells Fargo (WFC). Et même ainsi, aux évaluations actuelles, je ne serais pas acheteur. Je pense toujours que c'est une action qui vaut la peine d'être conservée, mais nous avons des concentrations ailleurs -- les biens de consommation courante, l'énergie -- et je suis beaucoup plus conscient de la manière dont ces facteurs de risque macroéconomiques pourraient réduire à néant des perspectives par ailleurs excellentes des sociétés concernées.

JG : D'un autre côté, quels enseignements positifs avez-vous tirés de ces dix dernières années et comment en avez-vous bénéficié?

JP : En fait, ce sont les dividendes qui m'ont apporté leurs enseignements, ce qui ne manque sans doute pas d'intérêt parce que j'ai commencé il y a dix ans par le même système d'exploitation, les mêmes prémisses qu'actuellement : que je voulais un flux de revenu important et sûr, fiable et croissant, pour mes avoirs en portefeuille. Voilà en quoi consiste la stratégie. Mais j'ai plutôt commencé avec la mentalité d'un investisseur axé sur la valeur, qui cherche fondamentalement les actifs sous-évalués, qui cherche à acheter le dollar proverbial pour 50 sous. Et dans ce contexte, ce que j'espère c'est que ces actifs bradés atteindront un prix plus raisonnable. On capture les gains, puis on cherche à reproduire le même type de situation. La tâche de générer le rendement total incombera davantage à l'investisseur qu'à la société. On s'attendrait à une plus grande rotation avec ce type de stratégie.

Après avoir passé plusieurs années à gérer notre stratégie pour le bulletin Morningstar DividendInvestor, je réalise qu'elle n'est pas vraiment axée sur la valeur. Nos meilleurs résultats proviennent de sociétés de haute qualité -- pour lesquelles nous payons parfois un montant proche de leur juste prix, et pas des tarifs soldés -- et qui ont créé énormément de valeur pour les actionnaires parce qu'elles ont une bonne gestion et de bons actifs. Laissons ces compagnies faire le travail. Laissons libre cours à nos gagnants. Cela ne veut pas dire que nous perdions de vue les évaluations; mais les meilleurs placements axés sur les dividendes, la meilleure gestion d'un flux de revenu pour le rendement total finissent par relever beaucoup plus de cette stratégie de détention à long terme déconsidérée par de nombreuses personnes, ou qui occasionnent de nos jours des préoccupations ou des réserves. Laissons les sociétés faire le travail.

Je commence chaque nouvelle année en disant : « D'accord, j'entrevois quelques achats possibles, quelques ventes qui émergeront potentiellement au cours de l'année, mais je vois les dividendes et les sociétés qui les paient faire 99 % du travail d'augmentation du rendement de nos portefeuilles. » Elles vont faire des efforts considérables. Pourquoi y déployer moi-même beaucoup plus d'efforts sachant que les transactions répétées, surtout à un rythme accéléré peuvent facilement devenir improductives?

JG : Josh, merci de cette rétrospective des 10 dernières années. Nous sommes impatients de vous voir à l'œuvre pendant les 10 ans qui suivent.

JP : Merci à vous, Jeremy.

JG : Pour Morningstar, ici Jeremy Glaser. Merci de nous avoir écoutés.

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