Les histoires d’horreur sur les placements, et les enseignements qu’on en tire

Bonne Halloween : Le bitcoin, la maison hantée et d'autres contes terrifiants

Andrew Willis 30 octobre, 2020 | 5:00
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Pumpkins

Le cauchemar de Nortel. La débâcle de 2008. La « bonne affaire » de Washington Mutual. L’engouement pour Valeant. Un effondrement classique de crypto-devise.

Ces souvenirs donnent des frissons à la plupart des investisseurs. La panique qui monte quand les actions chutent, la ruée désespérée vers les ventes, aucune valeur à dénicher où que ce soit : voilà les histoires que By Street et Wall Street se chuchotent au milieu de la nuit. Des histoires si macabres, si terrifiantes que beaucoup essaient de les bannir de leur esprit.

Pour cette Halloween, nous avons demandé à certains financiers sages et éminents de creuser profondément dans les gouffres du désespoir pour trouver leurs pires histoires d’horreur sur les investissements, les revivre ici, dans ces pages, et de faire part de leurs enseignements pour vous aider, vous investisseurs particuliers, à rester à l’écart de ces écueils et à éviter la descente dans la folie du désastre financier.

Venez tous par ici et écoutez ces récits de terreur, qui vous inciteront à faire attention où vous mettez les pieds :

Laissons entrer la bonne cryptodevise
Par Andrew Willis, éditeur de contenu, Morningstar

Pendant la période qui a précédé l’apogée du bitcoin en décembre 2017, j’avais remarqué la tendance qu’avaient certaines sociétés à ajouter l’épithète « chaîne de blocs » à leur nom, avec à la clé des gains massifs. Beaucoup d’entre nous se rappelleront sans doute la transformation de Long Island Iced Tea Corp (LTEA) en « Long Blockchain Corp. » (LBCC), et une augmentation de 200 % du cours de l’action le même jour (puis la radiation du titre et les enquêtes de la SEC et du FBI qui ont suivi). Je trouvais qu’il y avait quelque chose du gadget dans le changement de nom, mais pensais que je pourrais astucieusement profiter d’une avance de quelques heures en vendant avant que cet engouement ne s’étiole.

Je me suis mis à scanner les médias et les alertes de Google, et ça n’a pas manqué : j’ai pris connaissance d’un communiqué de presse indiquant que le fournisseur d’énergies renouvelables Transeastern Power Trust (TEP.UN) changerait son nom en « Blockchain Power Corp. » (BPWR) et avait obtenu un placement privé de 49 millions $. J’ai remarqué que sa valeur avait déjà doublé pendant les semaines précédant cette annonce, mais suis allé néanmoins de l’avant et fait une mise (heureusement modeste) de 0,55 $ l’action. Il s’est avéré que ces gains enregistrés avant l’annonce furent pratiquement les seuls. L’action a bel et bien augmenté jusqu’à 0,65 $, mais j’ai commis l’erreur fatidique de perdre ma stratégie de vue après avoir étudié son modèle d’entreprise. À la différence de la compagnie de thé glacé, celle-là avait un dividende robuste et prévoyait d’exploiter les bitcoins grâce au faible coût de l’énergie qu’elle produisait avec ses propres éoliennes. Je pensais que même si la bulle du bitcoin éclatait, il lui resterait encore des affaires solides. Eh bien la bulle a éclaté, et après ça l’action a chuté jusqu’à son cours actuel de 0,13 $.

Ce que j’ai appris :

J’ai su maintenir ma discipline et réussi à éviter une vente précipitée lorsque l’action est descendue jusqu’à 0.06 $ cette année, ce qui a été une expérience instructive. Ironiquement, le nom de l’action m’a servi à ne jamais oublier de me méfier des modes, car il trônait en premier dans l’ordre alphabétique de mon portefeuille, et c’était le premier titre que je voyais chaque fois que je le consultais. Plus tôt cette année, la société a annoncé qu’elle changeait de nom une nouvelle fois pour s’appeler Jade Power Trust (JPWR.UN). Je ne comprends pas pourquoi ce nom a été choisi, mais j’ai l’impression que les dieux du placement ont déterminé que je n’ai plus besoin de me sentir immédiatement ridicule toutes les fois où je regarde mes avoirs.

La maison hantée

Par Dan Kemp, Gestion de placement Morningstar Europe

Bien que j’aie multiplié les erreurs de placement, dans la plupart des cas l’impact en a été relativement mineur car j’ai plutôt subi une absence de gains qu’une accumulation de pertes. Le plus important de ces désagréments est que je n’ai fini par acheter une propriété que récemment, et je suis désormais confronté à une grosse hypothèque sur une propriété que j’aurais pu acheter il y a 15 ans à un prix bien plus bas.

Ce que j’ai appris :

Bien qu’il y ait de multiples raisons pour lesquelles je n’ai pas acheté une propriété plus tôt, cette expérience m’a rappelé que les investisseurs à long terme avaient plus à gagner à être des optimistes que des pessimistes. Toutefois, cela n’invalide pas l’importance de toujours se concentrer sur l’évaluation et exiger une marge de sécurité.    

Le massacre Valeant
Par Greg Taylor, directeur général du placement, Purpose Investments

Investir dans des sociétés axées sur la croissance au Canada peut en soi être terrifiant. Il n’y en a pas tant que ça, et lorsqu’une d’entre elles attire l’attention des investisseurs mondiaux, ces actions peuvent faire beaucoup de chemin, et très vite. Mais quand un revirement s’opère, voyez donc ci-dessous ce qui se passe. Valeant, désormais Bausch Health (BHC) est brièvement devenue la plus grosse société canadienne en 2015 lors de l’amalgame des sociétés de sois de la santé. Il s’avéra qu’il s’agissait davantage d’ingénierie financière que de croissance véritable, mais les investisseurs en raffolaient. Cela a dominé la performance de la Bourse de Toronto, qui était alors axée sur les ressources naturelles, et la question que se posaient les gestionnaires de portefeuilles était : « En aviez-vous ou non? ». Si vous n’en aviez pas, vous vous sous-classiez. Et puis les histoires de consolidation sont arrivées à leur terme et tout le monde a appuyé en même temps sur le bouton des ventes. L’action a dégringolé, passant de 300 $ à moins de 50 $, et personne n’a même voulu entendre parler de près ou de loin de cette action. En fon de compte, la société a subi une totale métamorphose, changeant même de nom. Elle existe encore, mais est loin d’avoir l’impact qui était jadis le sien.

Ce que j’ai appris :

Ne hurlez pas avec les loups. Les marchés font constamment des choses qui nuisent au plus grand nombre, et une de mes plus grosses craintes est d’être trop proche du consensus. Être anticonformiste n’a pas si bien tourné ces dernières années, mais c’est une compétence importante à avoir et quelque chose à garder à l’esprit quand on investir. Une fois que les tendances consensuelles commencent à changer, si vous n’avez pas commencé tôt, vous vendrez sous la contrainte en même temps que les autres, à un moment où la demande est inexistante.

L’activité paranormale : L’épisode de Sears
Par Adam Fleck, directeur régional de la recherche sur les actions, Morningstar Australasie

J’ai acheté des actions de Sears (SHLDQ) en juillet 2007, à un cours d’environ 153 $US. Je pensais que c’était une bonne affaire : la société se négociait à un taux cours/ventes faible, et les ventes semblables au Canada, bien qu’encore en déclin, montraient des signes qu’elles n’étaient pas aussi mauvaises, avec une baisse de 4 % pour l’exercice 2006 contre 5 % l’année précédente et 11 % en 2004. Mon investissement reposait sur la stratégie qu’Eddie Lampert avait formulée lors de la fusion de Kmart et Sears en 2005, qui, pensais-je alors, était prometteuse en raison des économies d’échelle prévisibles. Avec le plongeon de l’action par rapport à son pic de 190 $US quelques mois avant mon achat, je croyais qu’il y avait une marge de sécurité sur laquelle on pouvait capitaliser pour cette occasion à long terme.

J’ai réalisé mon erreur moins d’une année plus tard. En mai 2008, le cours de l’action avait chuté en-dessous des 100 $US, et j’ai commencé à reconsidérer ma thèse. Le ralentissement économique qui s’opérait à cette époque n’a certainement rien apporté de positif, mais je me suis également inquiété de plus en plus que Sears ne soit pas capable de rivaliser longtemps avec des détaillants plus gros et mieux gérés et avec l’émergence de sociétés de vente en ligne pures et dures, À la fin mai, après quelques semaines de travail, j’ai vendu mes actions pour environ 87 $US, soit une perte de près de 45 %. Mais ce fut pour le mieux : les actions ont souffert pendant toute l’année 2009 alors que la Grande Récession s’installait, et bien que l’action ait rebondi en 2010 pour remontrer brièvement au-dessus de 120 $, nous savons tous comment cela s’est terminé.   

Ce que j’ai appris :

L’enseignement principal que j’en ai tiré est que la direction à elle seule n’est pas source de bastille économique. Malgré ce que j’ai pris alors pour une stratégie solide mise au point par grâce à l’intelligence du gestionnaire de fonds spéculatifs Eddie Lampert, les problèmes de Sears étaient trop importants, trop structurels et trop durables pour qu’un propriétaire ou dirigeant de société quel qu’il soit puisse les gérer. Au début de 2009, j’ai préféré acheter des actions de plusieurs sociétés auxquelles nous attribuons une cote de bastille économique : Berkshire Hathaway (BRK.B),  Walmart (WMT),  Caterpillar (CAT) et Automatic Data Processing (ADP).

L’Exorfisc
Par Michael Dorfman, gestionnaire de portefeuille et conseiller en placements, BMO Banque privée

L’enseignement le plus terrifiant de ma carrière de plus de 30 ans est ce qui est arrivé à un client. Il avait un très beau poste à Bell Canada (BCE) dans les années 80, période de floraison des actions de Nortel, la société de technologie numérique. Nortel a entamé une ascension vertigineuse ai cours de la grande bulle tech/Internet de la fin des années 90. En juillet 2000, les actions de Nortel ont atteint un pic de 124,50 $C, fournissant à mon client une valeur marchande de 500 000 $ moyennant un coût de base d’à peine 25 000 $. Je l’ai pratiquement supplié de vendre quelques actions pour réduire le risque lié à la concentration. Il m’a rétorqué que cela ferait trop monter l’impôt sur les gains en capital.

Ce que j’ai appris :

J’ai perdu cette bataille, et il a fini par vendre après que les actions eurent connu une chute précipitée avant la faillite finale. La morale de ce conte terrifiant est de ne pas éviter d’encaisser un profit parce qu’on s’inquiète des impôts qu’om va payer. Ironie du sort : ce client a fini par ne pas avoir à se soucier du tout des gains en capital.

Le Projet Washington Mutual
Par Syl Flood, stratège principal de contenu, Morningstar

J’investis dans les actions depuis le milieu des années 90. J’ai survécu au désastre des dot-coms en évitant d’investir trop de mes actifs personnels dans les actions à cette époque-là et j’ai continué après cela jusqu’aux années 2000.

Alors que la crise financière mijotait en 2006 et 2007, certaines sociétés de services financiers ont commencé à faire figure de bonnes affaires alors que les données fondamentales avaient entamé leur détérioration. Une société qui avait vraiment l’air bon marché était Washington Mutual. J’étais encouragé par le fait que plusieurs gestionnaires de portefeuilles de fonds communs américains axés sur la valeur que je respectais déteneaient pas mal d’actions de cette société. Je n’ai utilisé que Morningstar Research pour prendre la décision d’acheter.

La capitalisation boursière maximum de cette société avait été de 40 milliards $. Lorsque j’ai acheté l’action, mon raisonnement était en partie que lorsque les choses en reviendraient à la normale, il en serait de même pour sa capitalisation boursière. Il va sans dire que ce placement n’a pas été fructueux. La caisse fédérale d’assurance des dépôts aux États-Unis a pris le contrôle de Washington Mutual le 25 septembre 2008, et JPMorgan a racheté la société pour 1,9 milliard $. J’ai perdu la plus grande partie de mon argent.

Ce que j’ai appris :

Ne basez pas une décision sur l’avis d’une seule source. Ces temps-ci, je continue à utiliser Morningstar Research, mais je me procure un deuxième avis en consultant les recherches d’une grosse société de courtage nationale. Le corollaire est qu’il faut résister à la tentation d’acheter ou de vendre sur un coup de tête. Attendez au moins un jour que les choses se remettent en place.

Cherchez à savoir les raisons profondes pour lesquelles une société est arrivée à un point donné. Je ne me suis pas suffisamment bien renseigné sur les raisons du succès de Washington Mutual. La solidité de la franchise californienne de Washington Mutual est ce qui a financé son expansion dans d’autres marchés juste au moment où le marché de l’habitation en Californie donnait de la bande, puis s’effondrait. Washington Mutual s’est obstinée dans sa stratégie malgré le désastre imminent. J’ai trouvé que la société était courageuse, alors que, comme moi, elle faisait preuve de témérité.

Internalisez le concept de risque réel. Le risque n’est pas l’écart-type. Le risque est la perte permanente de capital. Je ne le croyait pas avant d’être passé par là.

Il y a une bonne raison pour que les bonnes affaires soient de bonnes affaires. Le marché est une excellente machine à voter. Respectez-le.

Faites amende honorable. Je me suis accroché à mes actions de Washington Mutual même après une accumulation de signes avant-coureurs dans l’espoir que le cours de l’actions remonterait. Le marché n’attache aucune importance à ce que je rentre dans mes fonds. Reconnaissez vos erreurs, essuyez une perte, et tournez la page.

Depuis 2008, j’ai placé mes placements en actions dans deux segments : le court terme et le long terme. Je conserve parfois des actions pendant moins d’un an, et il y en a que je possède depuis plusieurs années. Je suis heureux que le cauchemar de Washington Mutual ne m’ait pas dissuadé d’investir par la suite, et que j’en aie tiré des enseignements coûteux.

Le Cauchemar sur Wall Street
Par Peter Bull, chef des actions, Morningstar Gestion de placements, Australie

Vers décembre 2007, de nombreuses firmes de Wall Street se négociaient à un prix extrêmement bas par rapport à ce qu’ils avaient été les années précédentes, et même pendant la période préparatoire en 2000. Je vivais aux États-Unis et me concentrais dans mon travail sur les actions non américaines, et j’écoutais certains investisseurs très respectés et célèbres qui recommandaient ces firmes parce qu’elles étaient incroyablement bon marché. J’ai donc investi mes comptes personnels dans quelques-unes d’entre elles. Les sommes n’étaient pas supérieures à ce que je pouvais me permettre de perdre, mais bien sûr on n’est pas dans cet état d’esprit quand on ne récupère que 50 % de ses investissements. Regarder arriver mes états de compte dans le courrier avec des signes nouveaux et étranges pour désigner les sociétés qui étaient tombées en faillite est une sensation que je n’oublierai jamais. Je ne savais même pas comment m’en débarrasser.

Ce que j’ai appris :

Il y a eu plusieurs enseignements, bien sûr : comme toujours, renseignez-vous bien et n’écoutez pas les grands pontes ou les anecdotes sur les actions. La meilleure anecdote est une liste de tout ce qui peut mal tourner, qui peut finir par être assez ennuyeuse.

La plus importante considération, à mon avis, est que quand on examine les sociétés dans lesquelles on investit, la liste de pointage qu’on a en tête devrait comprendre l’exercice consistant à séparer complètement l’entreprise du prix auquel elle se vend. Les gens sont totalement galvanisés par les mouvements des cours en raison de leur grande accessibilité et la facilité avec laquelle ils peuvent être corrélés avec des nouvelles intéressantes ou des développements futurs excitants. Certaines entreprises sont résistantes à 90 % des mauvaises choses qui peuvent se produire, alors que pour d’autres, la survie elle-même peut être complètement aléatoire en cas de problèmes quels qu’ils soient. Il leur faut vraiment réfléchir pour trouver les moyens de s’en tirer car dans bien des cas ils ne sont pas évidents.

Trouver la bonne taille pour chaque position est aussi une chose essentielle pour survivre à ses erreurs, et des erreurs, il y en aura.

Une façon de penser qui est bonne et pratique est de vraiment réfléchir au rendement nécessaire pour un investissement donné au lieu de passer directement à l’historique récent de son cours ou à ce que son rendement escompté devrait être si l’on en croit certains modèles. Chaque investisseur peut avoir des réponses différentes aux mêmes questions sur les préférences de risque et les rendements requis, et avoir néanmoins raison. On n’a pas besoin de laisser le marché dicter ce qui est une rémunération juste pour le risque encouru. En dernier lieu, les investisseurs qui veulent construire leur richesse petit à petit avec des actions, ou ceux qui ont des attentes plus modestes en la matière, ont probablement plus de succès. Songez à l’alternative : nous savons tous comment peuvent tourner les combines pour s’enrichir vite.     

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À propos de l'auteur

Andrew Willis

Andrew Willis  Éditeur de contenu, morningstar.ca